Article | 31 jan, 2021

COVID-19, Peuples autochtones, communautés locales et gouvernance des ressources naturelles : une étude préliminaire

CEESP News:  Samir Laouadi and Gretchen Walters, University of Lausanne *

Une étude collaborative révèle comment la pandémie de la COVID-19 affecte les peuples autochtones et les communautés locales (IPLC pour l’acronyme anglais), en particulier ceux qui gouvernent, gèrent et conservent leurs terres et leurs eaux. La situation génère à la fois des effets négatifs et des réponses adaptatives et résilientes de la part des IPLCs.

Foto A: Un homme de Wapichan pêchant sur la rivière Rupununi, Guyane. Les poissons et les animaux sauvages sont des sources de nourriture essentielles.  Foto B: La savane de Rupununi, Guyane.  Fotos © Quadad De Freitas

Comment les peuples autochtones et les communautés locales (IPLC) sont-ils touchés et réagissent-ils à la COVID-19 ? C’est la question à laquelle nous voulons répondre en tant que groupe de 16 auteurs de 14 pays du monde entier, rassemblé au sein du Consortium APAC et faisant partie de diverses institutions comme l'Université de Lausanne, différents instituts de recherche et des organisations de la société civile.

Nous avons étudié l'accès et l'utilisation des ressources naturelles, la solidarité, la prise de décision, le rôle des gouvernements et des IPLCs dans la gestion de COVID-19, et l'utilisation de la médecine traditionnelle.

Ces thèmes sont explorés grâce à une analyse préliminaire d'une enquête mondiale en ligne, utilisant une méthode basée sur des récits, en anglais, espagnol et français, représentant 133 répondants de 40 pays. La recherche présente des études de cas approfondies du Bénin, des Fidji, de la France, du Gabon, de la Guyane, du Guatemala, de l'Inde et de Madagascar, mettant en évidence les défis relevés et les opportunités saisies par les IPLCs’ dans la manière de gérer la crise de la COVID-19.

COVID-19, Indigenous peoples, local communities and natural resource governance: a preliminary study       Photo: Université de Lausanne

Utilisation de la médecine traditionnelle pour contrecarrer les symptômes de la COVID-19. a) La médecine traditionnelle est souvent considérée comme très utilisée. Le chiffre en haut de chaque barre indique le nombre d'histoires (b) 50% des récits et histoires de pratiques autochtones et locales concernant la médecine traditionnelle étaient associées à des sentiments de fierté.

L'analyse initiale des enquêtes et des études de cas montre que la COVID-19 a eu un impact distinct et significatif sur les communautés. Bien qu'il soit impossible de généraliser, les premiers résultats sont apparus concernant les réponses des IPLC à la COVID-19 ainsi que sur la résilience et les droits des IPLC.

Les réponses des IPLC à la COVID-19 :

  • Dans de nombreux cas, le gouvernement était absent ou incapable de réagir rapidement, et les communautés et leurs décideurs ont pris l’initiative des interventions pour faire face à la situation. Les chefs et dirigeants locaux ont pu agir rapidement, malgré le manque d'installations médicales. Les communautés disposant de droits solides ont pu réagir rapidement, décidant de se mettre en quarantaine de leur propre gré, avant que les mesures gouvernementales ne soient promulguées.
  • Par ailleurs, la médecine traditionnelle a souvent été utilisée pour contrecarrer certains symptômes de la COVID-19 (voir la figure ci-dessus).

Résilience et droits

  • Les confinements ont eu un effet négatif sur la capacité des ILPCs à défendre leurs terres. Lorsque le secteur privé bénéficiait d’une liberté de mouvement et d’activités alors que les IPLCs étaient confinés, la recherche démontre que les droits des communautés n’ont pas été garantis.
  • Les IPLCs qui sont capables de gouverner et d'accéder à leurs terres et à leurs eaux semblent plus résistantes et résilientes. L’accès à la terre leur a procuré de la nourriture et des médicaments pour eux-mêmes et pour les étrangers et les personnes émigrés de retour au sein de la communauté pour des raisons liés à la pandémie.
  • L'accès aux marchés, fortement encouragé par la communauté du développement, présente à la fois des forces et des faiblesses dans une situation comme celle-ci. Les communautés qui dépendaient fortement des marchés pour acheter et vendre, ou pour l’emploi, ont été généralement moins résilientes.
  • Les communautés vivant à proximité des zones protégées et conservées, et qui ont investi dans le tourisme de la faune et de la flore sauvages et dépendent des revenus des visiteurs, ont maintenant du mal à répondre aux besoins qui étaient couverts par les frais de tourisme.

Les résultats soulignent l'importance de l'autonomisation et de la reconnaissance des droits des communautés autochtones et locales, qui leur permettent d'utiliser les médecines traditionnelles, de répondre aux besoins de subsistance pendant les périodes de fermeture, d'aider les membres de la communauté et les voisins à maintenir leurs moyens de subsistance et à gouverner, défendre et conserver leurs territoires.

Nous avons identifié des actions-clés et formulé des recommandations afin que les IPLCs puissent faire face à de futures pandémies, tout en protégeant leurs terres et leurs eaux :

  • Adopter une approche de réponses aux crises fondée sur les droits est centrale. Un focus particulier doit être portés sur les droits d'occupation et les droits relatifs aux communautés qui gouvernent leurs terres et territoires.
  • Les gouvernements et les travailleurs du développement doivent reconnaître et protéger les droits des IPLCs à gouverner leurs terres et territoires, car c'est là que se trouvent les ressources (eau, nourriture et médicaments) nécessaires pour faire face aux pandémies.
  • Les entreprises ne doivent pas utiliser les crises comme prétexte pour cesser de s'engager auprès des IPLCs ou s'implémenter sur leurs terres.
  • Les mesures de réponse à la COVID-19 devraient : être conçues conjointement avec les IPLC ; valoriser les diverses perspectives et approches ; et reconnaître les actions que de nombreuses IPLCs entreprennent indépendamment.
  • Les gouvernements et les ONG devraient tirer des enseignements des expériences réussies dans la gestion de la COVID-19 menées par les IPLC et les diffuser.
  • Une plus grande diversité de financement est nécessaire pour les initiatives de conservation qui s'engagent avec les IPLCs, la priorité étant donnée au financement direct des APAC (Aires et territoire du Patrimoine Autochtone et Communautaire) et des communautés locales.
  • Des partenariats à long terme entre les zones protégées et conservées et les IPLCs sont nécessaires, afin de garantir que l'accès des IPLCs aux ressources naturelles ne soit pas mis en danger en temps de crise.

Cet article sera publié dans un prochain numéro de la revue Parks de l'UICN, qui paraîtra en février 2021 : https://parksjournal.com/ .

Une analyse plus approfondie sera effectuée en 2021, en collaboration avec le Consortium APAC.

Partagez votre histoire avec nous !

L'enquête est toujours ouverte en 3 langues (espagnol, anglais et français) et nous invitons toutes les personnes issues de peuples autochtones ou de communautés locales, ainsi que les organisations et les chercheurs qui travaillent avec elles, à y contribuer.

Version anglaise

https://collector.sensemaker-suite.com/?projectID=ICCA2020&language=en#Collector

Version espagnole

 https://collector.sensemaker-suite.com/?projectID=ICCA2020&language=es#Collector

Version française

 https://collector.sensemaker-suite.com/?projectID=ICCA2020&language=fr#Collector

* De Gretchen Walters1, Neema Pathak Broome2, Marina Cracco1, Tushar Dash3, Nigel Dudley4, Silvel Elias5, Olivier Hymas1, Sangeeta Mangubhai6, Vik Mohan7, Thomas Niederberger8, Christy Achtone Nkollo-Kema Kema9, Appolinaire Oussou Lio10, Njaka Raveloson,7June Rubis11, S.A.R. Mathieu Toviehou10, Nathalie Van Vliet12 

1 University of Lausanne, Lausanne, Switzerland  2Kalpavriksh, Maharashtra, India   Independent researcher and consultant, Odisha, India.   4Equilibrium Research, Bristol, United Kingdom.  5Universidad de San Carlos de Guatemala, San Carlos, Guatemala.   6Wildlife Conservation Society, Fiji Country Program, Suva, Fiji.   7Blue Ventures, Bristol, United Kingdom; Blue Ventures Madagascar, Antananarivo. Madagascar.   8ICCA Consortium, Genolier, Switzerland.   9Université Omar Bongo, Faculté des Lettres et Sciences Humaines,  Libreville, Gabon.   10Groupe de Recherche et d’Action pour le Bien-Etre au Bénin, Benin.   11 Sydney Environment Institute, Camperdown, NSW Australia.   12Center for International Forestry Research, Jawa Barat, Indonesia