Article | 12 Aoû, 2018

RETOUR SUR LE CONGRÈS FRANÇAIS DE LA NATURE 2018

Le Comité français de l’UICN a organisé le 7 juin 2018 son Congrès français de la Nature.

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Photo: UICN Comite Francais

Le Comité français de l’UICN a organisé le 7 juin 2018 son Congrès français de la Nature. Son objectif était de lancer une large mobilisation sur les enjeux de la biodiversité dans la perspective de deux grands événements internationaux qui se tiendront en 2020 : le Congrès mondial de la nature de l’UICN à Marseille et la 15ème Conférence des Parties de la Convention sur la Diversité Biologique à Pékin.

Durant cette journée, de nombreuses personnalités du réseau du Comité français de l’UICN ont insisté sur les enjeux de ces deux événements et ont échangé sur les possibilités d’actions et la mobilisation à mettre en place.

Les Président(e)s des Commissions et des Groupes de travail du Comité français de l’UICN ont énoncé les sujets prioritaires, actuellement identifiés au sein du réseau, pour contribuer au congrès mondial. Des échanges avec la salle ont ensuite eu lieu pour en débattre.

 

Le Président de la Commission française du Droit de l’environnement et des politiques environnementales, Sébastien Mabile, a sur la base des contributions des experts, exprimées les idées ci-dessous :

Interdiction des produits phytosanitaires

·       Il s’agirait de généraliser l’initiative voté en 2014 (Loi dite Labbé du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national)

·       Proposition de résolution auprès de la commission Européenne– travail amorcé avec différents pays.

·       Cette mesure pourrait être étendue à l’échelle internationale à travers une convention internationale ? Ne concernerait de toute façon que les non-professionnels.

·       Objectif serait d’engager un débat sur les effets des pesticides dans les pays les moins avancés, jusqu’ici peu conscients des dangers.

Statut juridique de la nature

·       Une réflexion sur le statut juridique de la nature et la possibilité de conférer une personnalité juridique à certains de ses éléments (fleuves, forêts, animaux…) est en cours au niveau international. L’Equateur a été le premier Etat au monde à intégrer les « droits de la nature » au sein de sa constitution. Le 5 avril dernier, la Cour suprême de Colombie a reconnu l’Amazonie comme sujet de droit.

Principe  de négociation écologique. 

·       Convention universelle sur le droit des études d'impact (texte qui unifie les Etudes d’impact) et principe de négociation écologique (vise à rééquilibrer le rapport de force entre les différents porteurs de projets)

·       Le droit global est un droit de négociation entre acteurs. Or avec le changement climatique et les enjeux écologiques planétaires (perte de la biodiversité), il devient nécessaire de trouver un cadre juridique au droit global qui évolue, par essence, dans une sphère sans souveraineté. 

·       La négociation écologique suppose un équilibre dans les rapports de force entre industriel, acteurs locaux et experts de la nature, et une révision du vocabulaire employé lors des négociations relatives à l'installation de projet impliquant des dommages sur la biodiversité. Le vocabulaire utilisé est principalement issu des milieux économiques et financiers ce qui déséquilibre la compréhension et le respect des enjeux écologiques. Dernièrement, l'IPBES proposait une réflexion sur l'évolution des termes "ecosystemic services" pour privilégier une approche "nature's contribution to people".

·       Par ailleurs, l'approche et le vocabulaire mercantile utilisés lors des négociations de projets impactant la biodiversité définissent la nature comme "objet" des négociations (la nature y est considérée comme une chose), or les dernières jurisprudences notamment celle de la Cour Suprême de Bogota (5 avril 2018) et la Constitution de l'Equateur et d'autres pays en développement considèrent la Nature comme ayant une personnalité juridique et non comme une chose (on note ici également l'importance du rôle du juge dans un contexte globalisé).

·       A l'heure d'une globalisation du droit et des évaluations d'impacts, il serait nécessaire de mettre en place un principe de négociation écologique.

Responsabilité civile environnementale et justice climatique

·       La réparation des atteintes à l’environnement, notamment celles résultant de pollutions diffuses, se heurte parfois aux principes de la responsabilité civile et à l’exigence de la démonstration d’un lien de causalité direct entre le dommage et le préjudice invoqué, ou au moins à des présomptions graves et concordantes. Or, cette démonstration est parfois difficile à établir. Nécessité de mettre pleinement en œuvre le principe pollueur-payeur.

·       Certaines activités (nucléaire, transports maritimes et aériens…) sont soumises à un régime international de responsabilité civile, prévoyant une responsabilité objective, canalisée et plafonnée.

·       Une réflexion pourrait être engagée afin d’élargir ces principes à l’ensemble des atteintes à l’environnement, notamment celles résultant du changement climatique.

·       Par exemple concernant la Justice climatique : importance au niveau international dont les juges s’emparent (Pays-Bas, Ouganda, etc)

Intégration de la biodiversité dans les constitutions des pays ou leurs chartes

·       Cette proposition vise à soutenir l’intégration des principes fondamentaux du droit de l’environnement au sein des constitutions des Etats, ainsi que le projet de Pacte mondial pour l’environnement qui reprend dans un texte international contraignant les principes universels du droit de l’environnement.

Education au droit de l’environnement

·       Faire mieux connaître le droit à tous les citoyens

Statut fiscal de la biodiversité

·       Voir si la biodiversité protégée, ou menacée ne devrait pas avoir un statut fiscal particulier

·       Prendre exemple sur ce que fait la culture

·       Les conventions internationales parlent peu de fiscalité car c’est de la souveraineté des pays. Il y a quelques exceptions telles que les droits de douane. On pourrait imaginer que vu l’ampleur de l’enjeu, il pourrait y avoir une exception.

·       Statut fiscal de la biodiversité et fiscalité de la biodiversité : pour en faire outils incitatif

Renforcement de la protection en Méditerranée

·       Une motion appelant chacun des pays riverains à adopter et appliquer une loi littoral inspiré de la française

·       Motion appelant les secrétariats des grandes conventions internationales à intégrer des dispositions incitant les parties à adopter des dispositions fiscales favorables à la protection et à la gestion des milieux, zones et espèces dont elles assurent la conservation (Ramsar, Barcelone, autres mers régionales,  alpine, Bonn, Berne,  etc).

Mobiliser les collectivités

·       Intégration des collectivités locales dans la gouvernance de l'UICN 

·       Financements et moyens des collectivités territoriales : panorama international, freins leviers en matière de BP sur la fiscalité, étudier comment font d’autres régions dans le monde pour financer la biodiversité 

·       Engager les collectivités dans différents dispositifs en faveur de la biodiversité

Mobiliser les entreprises

·       Déploiement à l’international de l’initiative Act4nature

Les thématiques présentées ci-dessus feront l’objet de discussions, notamment lors du prochain Conseil d’administration du Comité français de l’UICN en septembre.

Auteur

Florence Clap, Chargée de Programme 'Politiques de la Biodiversité, UICN Comité français', Union Internationale pour la Conservation de la Nature