Article | 06 Juin, 2024

L’UICN est synonyme d’espoir

Protectrice de la mer et marraine de la nature de l’UICN, Dr Sylvia Earle explique comment elle passe encore chaque heure de son temps à essayer de faire la différence.

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La Dr Sylvia Earle est une scientifique marine, protectrice et exploratrice légendaire des océans.

Parallèlement à ses travaux de recherche et de conservation, elle figure parmi les pionniers dans le développement de technologies permettant d’accéder aux grands fonds marins. Elle a dirigé plus de cent expéditions et a réalisé de nombreuses premières et battu des records en tant que plongeuse et opératrice de submersible.

Elle a reçu plus de cent distinctions et récompenses nationales et internationales, et a notamment été nommée « Marraine de la nature » de l’UICN, « Légende vivante » par la Bibliothèque du Congrès, Championne de la Terre du Programme des Nations Unies pour l’environnement et première Héroïne pour la Planète du magazine Time.

Grâce à Mission Blue, l’alliance mondiale pour la conservation des océans qu’elle a fondée en 2009, Earle continue d’explorer les océans pour inspirer le soutien du public à un réseau d’aires marines protégées à travers le monde, connues sous le nom de « Hope Spots ».

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De grandes idées

« Mettre en œuvre des idées suffisamment grandes pour changer le monde, c’est ce qui m’occupe l’esprit 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Il s’agit d’essayer de faire tout son possible pour changer la façon dont les gens perçoivent l’océan, puis d’agir pour protéger l’océan comme si nos vies en dépendaient, car bien sûr, c’est le cas.

« Pour moi, cela implique de partir en expédition, de favoriser les nouvelles technologies.

Actuellement, je contribue au développement de nouveaux submersibles qui seront lancés à la même époque l’année prochaine en Polynésie française. L’objectif est d’emmener davantage de personnes dans les profondeurs pour explorer avec nous. C’est dans la lignée de tout ce que j’ai fait pendant une grande partie de ma vie, faire tout mon possible pour encourager les gens à aller voir par eux-mêmes, en tant que plongeurs en apnée ou au tuba. Mais nous devons aller plus loin : la majeure partie de la vie sur Terre se trouve dans les océans.

« La meilleure chance dont nous disposons pour parvenir à la sécurité planétaire, c’est de protéger les systèmes qui restent en bon état, qui sont en grande partie intacts. C’est-à-dire la majeure partie des fonds marins qui étaient largement inaccessibles jusqu’à présent. »

Du déclin à la guérison

« Environ la moitié des grandes formes de vie qui existaient dans la mer lorsque j’étais enfant, lorsque j’ai commencé à explorer l’océan, ont aujourd’hui disparu. Jusqu’à 90 % des requins et des thons ont disparu, ainsi qu’environ la moitié des récifs coralliens, des herbiers marins et des forêts de varech. La bonne nouvelle, c’est qu’ils n’ont pas tous disparu. Il est encore possible de passer du déclin à la guérison.

We’ve never had a better chance to understand the danger we’re in and secure and enduring future.

« Alors que nous entrons dans le 21ème siècle, nous commençons à prendre le virage de la bienveillance et à passer d’une extraction massive des espèces sauvages de l’océan à la reconnaissance du fait qu’il y a des limites et qu’il existe des valeurs qui vont au-delà du marché. Comme jamais auparavant, il est nécessaire de protéger la faune océanique et de reconnaître son rôle vital dans le maintien de la sécurité de la planète. Il y a plus de baleines et de tortues marines aujourd’hui que lorsque j’étais enfant, parce que nous avons arrêté de les utiliser comme marchandises. Nous devons faire de même pour les calmars, les poulpes, le krill, les crevettes, les requins, les thons, le hareng et autres espèces sauvages océaniques. »

Hope spots

« Nous avons désormais 160 Hope Spots et champions. Bien sûr, j’en veux toujours plus, mais nos bases de données se développent et nous travaillons avec Esri, une société de logiciels de systèmes d’information géographique, pour développer des cartes narratives et des données pouvant être partagées sur le réseau. Nous commençons à relier les points entre les Hope Spots. Nous espérons utiliser les connaissances et le pouvoir cumulés des champions et des organisations associées pour aider à soutenir davantage de zones protégées.

« Il ne s’agit pas seulement de protéger 30 % des océans d’ici 2030 – même 50 % ne suffisent pas si nous détruisons tout le reste. Il doit exister une éthique de protection de l’ensemble des océans, de la nature, de la terre, de l’air et de la mer. Mais il faut vraiment se dépêcher. »

Savoir et bienveillance

Quand les enfants me demandent à quoi ressemblera l’avenir, je réponds : s’il y avait un moment auquel il fallait naître, c’est maintenant. Au 21ème siècle, nous savons des choses que personne ne pouvait savoir quand j’étais enfant. Personne n’était allé haut dans le ciel pour observer la Terre, ni au fond de la mer pour comprendre la nature de l’océan sous la surface. Nous savons désormais que l’océan est vivant  de sa surface jusqu’aux plus grandes profondeurs, et même sous les fonds marins. Nous n’avons jamais eu une meilleure chance de comprendre le danger dans lequel nous nous trouvons et d’assurer un avenir durable pour nous-mêmes et pour le reste de la vie sur Terre. Qu’est-ce que vous attendez ?

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L’UICN est synonyme d’espoir. C’est une voix pour nous, une voix pour la nature, pour les systèmes naturels qui rendent notre existence possible. Nous nous concentrons sur la manière de nous gouverner avec des lois, des règles et des réglementations, mais nous devons d’abord respecter les lois de la nature. L’UICN donne une voix à la nature. Cela devrait nous donner à tous de l’espoir.

Les gens vous diront que vous ne pouvez pas, que vous ne devriez pas, que vous êtes trop grand, trop petit, trop jeune, trop vieux, que votre peau n’est pas de la bonne couleur pour ceci ou cela. Eh bien, je dis, peu importe votre âge, votre sexe ou la couleur de votre peau, ne laissez personne vous voler votre rêve. Accrochez-vous à ce qui vous tient le plus à cœur. Gardez cette vision intacte. Je ne pouvais pas imaginer ne pas réussir à devenir scientifique, quoi qu’il arrive. Il devait y avoir un moyen. Regardez-vous dans le miroir et demandez-vous : qui êtes-vous ? Qu’avez-vous de spécial ? Parce qu’il n’y a pas deux humains identiques. Nous pouvons tous faire quelque chose pour changer la trajectoire du déclin vers la guérison. Utilisez votre super pouvoir de savoir et de bienveillance. C’est ce qui nous mènera vers un monde meilleur.

Un entretien avec Giuditta Andreaus  de l’UICN

Mission Blue est Membre de l’UICN depuis 2016. Voir missionblue.org